Accueil » Ressources » Énergétique » Le Qi Gong et l’art de la pratique en vacances
En vacances… Pratiquer dans la joie…
Il me semble que les attentes des pratiquants vis-à-vis du Qi Gong sont parfois à l’image de l’air du temps dans lequel nous baignons : utilitariste, « instrumental » : n’aurions-nous pas tendance à souhaiter que la pratique soit orientée vers l’atteinte d’un résultat, tangible, rapide ?
Force est de constater que nos contemporains s’adonnent à des activités qu’ils espèrent saines ou thérapeutiques.
Le recours aux pratiques « psycho-corporelles » tend à devenir un vaste supermarché du bien-être : on nage pour soulager son dos, on s’exerce à différentes pratiques pour gérer son stress – y compris au sein d’entreprises fort « maltraitantes » ! -, et on peut même participer à des stages de rire pour… se laisser aller à rire !
La vague de « développement personnel », qui n’a cessé de s’intensifier ces vingt dernières années, témoigne du fait que la logique utilitariste s’empare de toutes les dimensions de notre vie.
Des psychothérapies se sont également mises au diapason de cet air-là, en promettant des formules de traitement rapides et efficaces, aux résultats prédictibles.
Or ce qui caractérise la souffrance contemporaine, nous dit Miguel Benasayag, c’est le sentiment de solitude comme incapacité à se sentir en lien non seulement avec les autres, mais surtout avec les couches profondes qui structurent notre être.
On assiste aujourd’hui à une déconstruction de l’intériorité, dans un fantasme avoué de la transparence : on se déverse sur internet et sur les réseaux sociaux pour donner avec délectation son intimité en spectacle…
Cette destruction de la profondeur de nos intériorités se conjugue avec une exigence de mobilité permanente, d’adaptabilité, de flexibilité…
La société ne donne plus la possibilité de vivre tel qu’on est, singulier.
Or, souligne Benasayag, la personne est « pleine de plis et de replis avec une intériorité faite de coins secrets, d’angles morts » !
Nous sommes conditionnés par cette injonction sociale qui traverse tous les champs de notre existence, du professionnel à l’intime : il faut travailler sur soi, sans relâche, pour être « autonome », c’est-à-dire fort, performant, capable de « nous tenir de l’intérieur », de nous maîtriser…
La valorisation de l’effort continu nous interdit la vacance, la latence, le retrait.
Alors si nous profitions de l’été (la vacance) pour retrouver un peu de jeu ? Pour quitter le monde du faire et de l’agir efficace ! Gardons-nous d’une pratique austère, trop volontaire, trop attachée aux formes, et ne nous enfermons pas dans des rituels !
Pratiquons cet art du Qi Gong pour le plaisir, à la « recherche des heures célestes », selon la belle expression de Mona Chollet dans son apologie d’une culture d’un « chez soi » aux antipodes de l’affairement frénétique valorisé par notre époque.
Perdons notre temps à l’écoute des connexions entre notre environnement et les textures de ces plis et replis secrets de notre intériorité.
Soyons pleinement présents aux résonances, aux connivences, aux « correspondances »…
Le travail, certes, mais articulé, conjugué, en dialogue avec la « divagation », la balade, la promenade, la rêverie, la flânerie, au gré des courants, des vents, des odeurs et des saveurs…
Acceptons de lâcher le « régime d’activité humain », celui des stratégies et des objectifs, de la recherche d’efficacité, de l’investissement gagnant/gagnant, pour accéder au régime céleste, celui de la pratique spontanée, naturelle, celle que Billeter traduit par « nécessaire », qui fera émerger – peut-être, ou pas… – ce qui doit apparaître.
Faire confiance à la créativité qui surgit de ces suspensions, de ce silence, de ces interludes et entractes, sans craindre qu’il n’en émerge rien !
Et il ne s’agit pas de lâcher le régime humain, mais de laisser davantage de place au régime céleste.
« Veille à ce que l’humain ne détruise pas le céleste en toi, à ce que l’intentionnel ne détruise pas le nécessaire. »
Dans Le Jardin des iconoclastes, Odier invite à « se défaire du poids des concepts, des injonctions, des règles, à retrouver l’espace ».
Oui, pour vivre dans notre pratique, grâce à elle, la légèreté intense, l’ardeur et la douceur, la danse, la grâce colorée… celle des reflets de l’eau dans les tableaux d’Albert Marquet.
Pratiquer dans la joie…
Mes sources d’inspiration :
« Chan et Zen, le jardin des iconoclastes », Daniel Odier, 2006.
« Du bien-être au marché du malaise la société du développement personnel », Nicolas Marquis, 2014.
« Clinique du mal-être, la « psy » face aux nouvelles souffrances psychiques », Miguel Benasayag 2015.
« Chez soi », Mona Chollet 2015.